Journée professionnelle 2021

Des effets au-delà de la crise sanitaire

L'utilisation des écrans dans la pratique sophrologique

Une enquête effectuée par l’intermédiaire d’un questionnaire conçu par Isabelle Fontaine et envoyé à toutes les personnes participant à la journée a permis d’avoir un avis préliminaire à propos du positionnement de chacun par rapport à la pratique sophrologique et les écrans.

Synthèse de la table-ronde

Animatrice
Isabelle Fontaine-Gaspar
Rapporteure
Corinne Goffaux-Dogniez

Document

Introduction

Le passage en visio s’impose comme solution par défaut à un moment donné du contexte sanitaire où les consultations en présentiel étaient incompatibles avec les normes socio-professionnelles de confinement.

Ce passage obligé suscite une réaction spontanée au départ (« tant mieux » ou « tant pis ») chez le soignant et chez le patient.

Autant chez le soignant que chez le patient, la situation s’étant prolongée pendant plus d’un an, cette première réaction a été parfois l’objet d’une évolution, notamment suite à des expériences pratiques ou des sollicitations (demandes stipulant la téléconsultation comme un critère obligé de la prise en charge).

Dans certains cas, il y a eu un changement d’avis, grâce à une ouverture au changement qui a pu aller du tout au tout.

L’enquête d’Isabelle Fontaine a montré, entre autres, qu’une majorité des sophrologues présents à cette journée professionnelle appliquait les téléconsultations.

L’enquête a montré également que le degré de satisfaction lié à l’usage des écrans dans la pratique sophrologique des patients était supérieur au degré de satisfaction des soignants.

Ce fait est offert par l’animatrice à la réflexion du groupe afin que nous y trouvions peut-être ensemble des explications, des liens avec nos vécus ou ressentis…

Caractéristiques de la pratique numérisée en sophrologie

Dans certains cas, les téléconsultations s’adressent à des patients ayant déjà pratiqué de la sophrologie auparavant, et parfois, avec le ou la même sophrologue. Cela peut aider le sophrologue à avoir des informations sur la qualité technique proprement dite de l’expérience, et sur la comparaison entre l’expérience réelle et l’expérience virtuelle, pour aboutir finalement à cette essentielle qualité de l’expérience sophrologique partagée.

L’expérience virtuelle présente le grand avantage de faire complètement abstraction de la distance géographique en individuel ou en groupe. La situation sanitaire nous a contraint à découvrir cette nouvelle réalité communicationnelle avec sa richesse et les opportunités auxquelles elle nous donne accès. Peut-être sommes-nous ainsi aidés à y avoir désormais recours plus spontanément, à l’envisager plus facilement dans l’avenir. La crise sanitaire nous aurait mis, à cet égard, le pied à l’étrier.

Visage one line - SFS - Société de Sophrologie FrançaiseCertaines personnes âgées, grâce au virtuel, ont été resocialisées et remises dans des groupes sophrologiques. Ces personnes ont été aidées pour être équipées techniquement et ont bénéficié d’une mini-formation afin de pouvoir utiliser ce matériel pour des consultations ou des groupes. Ainsi, elles ont pu développer leur communication, leurs échanges, améliorer leur équilibre psychique et affectif, rester en lien ou rétablir un lien. Elles ont pu aussi transposer ces acquis techniques appris grâce à la sophrologie dans leur domaine privé.

Le déconfinement a soulagé, cependant, la plupart des personnes qui ont été heureuses de retrouver le présentiel en général, notamment en pratique de la sophrologie.

Dans un premier temps, les consultations et groupes numériques ont eu une utilité par défaut. Cela a même duré plusieurs mois. Cela a permis de traiter dans une sorte d’urgence, grâce à la sophrologie, des situations de souffrance impossibles, à cause des mesures sanitaires, à prendre en charge en présentiel.

Si cette expérience a été globalement satisfaisante, nous avons pu relever des perturbations ou, au moins, des particularités, liées à cette forme d’interface de communication : dys-synchronisme, interruptions de la connexion (images bloquées et perturbations communicationnelles qu’il y a lieu de contrecarrer intérieurement, ce qui est fatigant, voire angoissant ), changements de plan qui amènent un aspect visuo-spatial dans la communication qui peut perturber (difficulté à être « entre quatre’s yeux », nouvelle « gymnastique communicationnelle ), information visuelle tronquée et parfois réductrice ( c’est-à-dire pouvant induire en erreur ou limiter)…

Ces perturbations, dans notre état d’esprit de sophrologue « action positive », en nous y adaptant, nous permettent d’accéder à l’établissement empirique progressif d’un nouveau code de communication.

L’animatrice rappelle que le questionnaire avait montré que la contrainte des dysfonctionnements numériques était plus forte pour les soignants sophrologues que pour les patients.

Serait-ce lié au fait que les sophrologues devaient improviser, qu’ils considéraient que cet aspect des choses leur incombait et plus encore était sous leur responsabilité et qu’ils n’avaient eu aucune formation de sophrologie « numérisée » ?

Dans le travail de sophrologie avec les enfants, la visio-sophrologie semblerait s’accompagner d’une distractibilité qui peut, bien sûr, être considérée comme un facteur de perturbation de l’expérience, mais aussi, pourrait permettre de rencontrer d’autres modes de réaction de la part des enfants et susciter ainsi une réflexion intéressante.

La sophrologie numérisée s’est avérée très prisée par les adolescents.

La nécessité, pour le thérapeute sophrologue de faire abstraction de son propre avis, et même de ses préférences dans le choix ou non du média numérique comme support de la séance de sophrologie dans ce contexte du covid-19 est une caractéristique de ce contexte : le thérapeute privilégie l’essentiel : répondre à la demande d’aide fondée qui, parfois, ne peut trouver son expression que par l’intermédiaire de l’expérience de visio-thérapie.

Le groupe note que la journée d’un sophrologue qui ne travaille que par visio-conférence est très différente de la journée-type classique « d’avant » : l’absence de mobilité de cette situation est parfois ressentie comme contraignante par les sophrologues.

Exactement comme le cadre présentiel, le cadre numérique doit être clairement défini : par exemple, en cas de thérapie d’enfants, il y a des consultations où les parents peuvent être là, d’autres non.

Le passage aux téléconsultations ne doit pas être synonyme de confusion.

Le cadre thérapeutique (règles, limite, contenu) et le cadre organisationnel (planning et paiement) doivent être maintenus à long terme aussi bien avec support numérique qu’en présentiel.

En ce qui concerne les thérapies de couple, il faut distinguer la prise en charge en situation de crise, dans laquelle la violence et le déni sont fréquemment rencontrés, ce qui nécessite une gestion de cette émotion de crise). Celle-ci peut être facilitée par le passage en visio qui amène un certain recul qui est bienvenu surtout s’il y a de la violence exprimée.

L’autre aspect de l’aide au couple en difficulté est la prise en charge à long terme. Si elle doit être faite en visio, il faut déplorer que l’écran limite le champ de vision et empêche le toucher ou d’autres formes de contact réels. Ceux-ci, à l’inverse de la situation de crise aiguë sont souvent indiqués dans cette phase de la relation thérapeutique, pour rassurer, recentrer émotionnellement, ou simplement ancrer la personne ou signifier la présence aidante : c’est une autre forme de gestion de l’émotion que lors de la phase aiguë. Ce temps de la thérapie serait donc plutôt valorisé par le présentiel.

Déontologie, courriels, confidentialité, facturation
Qu’appelle-t-on téléconsultation ?

Les courriels, comme les appels téléphoniques de longue durée sont considérés comme des consultations ou en faisant partie. À ce titre, une facturation peut (doit en principe) être demandée.

Quelle est la proportion de télétravail dans la patientèle des sophrologues de la Société Française de Sophrologie ?

Il est très difficile de donner une tendance : la dispersion des chiffres énoncés par chaque participant à tour de rôle étant très grande.

Au point de vue de l’éthique, il nous a paru intéressant, voire stupéfiant, que ce contexte ait vu apparaître la nécessité de redéfinir des limites élémentaires de la relation parce que la visio a pu amener des notions de laxisme vestimentaire. Les caractéristiques de la norme implicite étant que « normalement » en présentiel, ce ne se serait pas fait, et que le sophrologue est placé différemment lors des visios pour intervenir sur ce genre de situation.

Dans ce contexte, ces attitudes sont révélatrices d’une recherche de convivialité, d’un défoulement, d’un appel à l’aide, ou d’un « retour de violence » sur la personne qu’il est intéressant de trouver en situation thérapeutique : une certaine forme de violence exprimée, peut être vue et parlée, et le cadre peut ainsi être redéfini ensemble, ce qui peut amener à revisiter le code de déontologie de la sophrologie. Notre travail de groupe permet de partager nos réflexions sur ces situations et ces modes de réactions inédits et ainsi de ne pas laisser les sophrologues seuls avec cette violence atypique à gérer.

Les téléconsultations, sous toutes leurs formes, doivent être considérées comme de nouvelles formes de prises en charge, et à ce titre donner lieu à des facturations adaptées.

La possibilité d’un lien numérique pouvant être envoyé avant ou à l’issue de la téléconsultation et permettant un paiement direct est évoquée.

Conclusion de la journée

La journée se clôture à la satisfaction exprimée de chaque participant d’avoir pu partager les caractéristiques atypiques d’un travail tout à fait innovant que chacun a dû fournir en s’adaptant, pour répondre à une forme de stress de sa patientèle amené par un contexte de santé publique inédit (Covid-19) entre le début mars 2020 et le 19 juin 2021, date de la Journée Professionnelle de la Société Française de Sophrologie.