Rencontre avec Isabelle LEFEVRE-VALLÉE
Isabelle LEFEVRE-VALLEE bonjour.
Il y a longtemps que je souhaitais vous interviewer car j’apprécie beaucoup votre travail, d’une grande créativité, c’est pourquoi je suis très heureuse que vous ayez accepté cette rencontre !
Pouvez-vous nous parler de ce qui vous a mené à la sophrologie ?
Ce fut un long parcours.
J’ai toujours été très avide de comprendre, de saisir les choses et l’esprit des choses, très curieuse aussi.
Mon intuition est très développée et dans mon approche du monde sensible, j’avais souvent envie d’aller au-delà de ce que je voyais, sentais et percevais.
Pour cela j’ai suivi les enseignements en shiatsu d’un maître TAO, puis j’ai fait une psychothérapie analytique Jungienne, mais il y manquait le lien entre corps et esprit.
Lorsque j’ai rencontré la sophrologie cela a été comme une évidence !
Quelque chose m’était donné à vivre, quelque chose qui m’offrait de belles réponses constantes !
J’ai été profondément nourrie en expérimentant et vivant la réduction phénoménologique des choses. Faire réduction ! Grâce à cela j’ai apaisé mon mental et accédé à cette capacité d’émerveillement dans l’existence qui me pousse aujourd’hui à inventer et à créer.
Comment vous êtes-vous formée ?
J’ai eu le privilège de me former auprès d’Alfonso CAYCEDO dont l’enseignement était hors du commun !
CAYCEDO avait cette faculté tout à la fois de poser un cadre ET d’offrir à chacun de ses élèves la liberté de tendre vers l’autonomie. Cette valeur de liberté devenait une capacité, expérimentée et pleinement vécue.
Combien je partage Isabelle ! Cette notion est si essentielle à la sophrologie.
On peut y comprendre la liberté d’être et de devenir, une notion existentielle en somme.
Oui exactement. C’est une réponse à l’existence nous permettant de disposer d’un autre regard à poser sur soi, sur les êtres et les objets qui nous entourent.
Il y a là comme une évidence, une réponse à ce que nous sommes !
La sophrologie m’a également offert jusqu’au mot légitimité.
Que voulez-vous dire par là, Isabelle ?
Eh bien je suis ce que l’on appelle aujourd’hui un haut potentiel, et mon approche du monde est parfois singulière.
La sophrologie est venue donner de la légitimité à tout ce que je ressentais. Elle m’a donné le droit de ressentir, dans un principe de réalité objective qui a été pour moi une source d’inspiration ET un cadre. Une rencontre transformatrice en somme !
Quel a été votre parcours avant cela ?
J’ai un bac scientifique et un diplôme de graphisme en publicité et communication.
En démarrant dans ce métier j’ai pu exprimer toute ma créativité. Très rapidement il m’a été confié des missions pédagogiques car il se trouvait que j’expliquais plutôt bien, une capacité que mon entourage professionnel a révélée et m’a permis d’exploiter.
On me parlait beaucoup du timbre de ma voix aussi, mais à l’époque je ne savais quoi faire de cela.
Au fur et à mesure de l’expérience je me suis rendue compte que je ne voulais plus seulement former mais accompagner. Il me manquait cette dimension de l’accompagnement de l’être que m’a offert la sophrologie. Dans cette pratique de sophrologue, le son de ma voix trouvait aussi une résonnance particulière, un écho.
Isabelle, comment vous est venue l’envie de travailler spécifiquement avec les enfants ?
Cela a plutôt été de l’ordre du hasard en réalité.
Au départ, alors que j’étais tout juste installée, la propriétaire de mon local m’a adressé l’enfant d’une de ses amies en me disant « ça pourrait peut-être aider cet enfant, il ne tient pas en place ! ».
En fait il s’agissait d’un enfant hyperactif qui, dès la première séance, courait partout pendant toute la sophronisation de base ! Je me suis dit « ça va être une catastrophe, il ne va rien pouvoir vivre ! ». Pourtant, au moment de la phénodescription, il s’est assis et s’est mis à dessiner son corps, en commentant tout ce qu’il avait ressenti !
La sophrologie a immédiatement beaucoup apporté à cet enfant. Il s’est avéré que sa maman était enseignante.
Petit à petit, elle a assuré ma réputation auprès de l’école où elle enseignait et c’est ainsi que de nombreux enfants sont venus vers moi.
Et votre merveilleuse créativité, les jeux, les logos ?
Dans ma pratique, qu’elle soit auprès des enfants, des adolescents ou des adultes, je ne voulais pas que le vocabulaire soit un obstacle pour accéder à la sophrologie dans ce qu’elle a de si puissant !
Je voulais que la rencontre de soi, dans et par la sophrologie, reste simple.
J’ai donc beaucoup travaillé à l’élaboration de mes terpnos logos. Par exemple, j’ai inventé des continents pour faire vivre la notion de schéma corporel.
Comment vous est venue l’idée des comptines ? Vous êtes une des pionnières en la matière.
Un jour est venu à moi un petit garçon avec de grosses difficultés scolaires. Il ne parlait presque pas, répondait très peu aux sollicitations extérieures et commençait à s’installer dans l’échec.
Pendant nos séances, il ne répondait à rien jusqu’au jour où j’ai placé sur mon bureau un œuf d’autruche en décoration.
Il a regardé l’œuf, incrédule et il m’a dit par deux reprises « tu as un œuf de dinosaure ! mais tu as un œuf de dinosaure ! » J’ai répondu oui. Le dialogue était engagé, je pouvais construire une alliance avec ce petit garçon !
C’est à partir de là que j’ai inventé le jeu de la plume et écris les premières comptines autour de différents exercices de sophrologie.
Vous savez, l’enfant est dans l’ici et maintenant. S’il ne trouve pas la réponse à son besoin il passe son chemin !
Une histoire racontée par le sophrologue et complétée par l’enfant est une jolie façon d’entrer dans un principe d’adaptation vécu et expérimenté qui offre à l’autre de le recevoir avec sa réalité, dans l’observation non interprétée de ce qu’il vit.
Je fais beaucoup référence dans mon travail au livre de Caroline ELIACHEFF « à corps et à cris ».
C’est dans la qualité de la perception que jaillie la rencontre. Elle est « ce que je vois, ce que j’entends et ce que je ressens ».
Isabelle Il y a un outil que j’aime en particulier et que j’utilise dans ma propre pratique, c’est la marche du mandala.
Pouvez-vous nous en parler ?
J’ai créé ce jeu parce que j’étais moi-même en difficulté avec la notion de sentiment vital dans la RD3.
Je ne savais pas comment transmettre cette notion de marche, de tridimensionnalité permettant la réunion du corps et de l’esprit.
En ouvrant le champ des possibles, je me suis dit je vais créer des supports !
J’ai commencé à découper des morceaux de cartons sur lesquels je suis venue coller des mandalas d’un calendrier qui m’avait été offert et j’ai posé des mots dessus. C’est ainsi qu’est née la marche du mandala !
La rencontre avec l’être se trouve facilitée par les fractales. Les questions radicales « de quoi suis-je fait, qu’est-ce que je porte en moi, vers où je peux m’orienter » se posent alors avec simplicité.
Ce jeu permet aussi de vivre la valeur de groupéité, être un individu unique et relié aux autres dans le même temps…
C’est tout à fait passionnant et ce n’est pas sans rappeler le concept jungien.
Isabelle, avant de nous quitter pouvez-vous nous parler du Réseau National des Sophrologues à l’Ecole que vous avez créé ?
Oui volontiers. En tant que formatrice, je me suis posée la question de savoir comment aider les sophrologues à promouvoir leurs activités afin de vivre de leur métier.
J’ai aussi observé les difficultés rencontrées par les enseignants de l’éducation nationale.
Ce réseau a donc plusieurs objectifs :
- Permettre aux sophrologues une meilleure adaptation au public des enseignants et à celui des enfants tout en offrant un cadre théorique et pratique et un soutien dans l’exercice de leur profession.
- Les aider à promouvoir leurs activités auprès de l’éducation nationale notamment.
- Aider les enseignants, car le RNSE se propose d’intervenir à l’école pour apaiser les enfants et les rendre ainsi plus disponibles et ouverts aux enseignants,
- Aider les parents et les enfants.
Le RNSE réunit des sophrologues diplômés ayant suivi au moins un module de formation parmi tous ceux proposés.
Je viens par ailleurs d’obtenir l’agrément pour l’académie de Versailles afin d’accompagner les enseignants (cet agrément est donné à titre individuel.
Bravo pour cet agrément et un immense merci, Isabelle, d’avoir répondu à mes questions pour la newsletter de la SFS !
Propos recueillis par Judith Dumas
Courte biographie
Professeur à l’Académie de Sophrologie de Paris, consultante et formatrice en sophrologie, Isabelle Lefevre-Vallée est spécialisée dans le domaine de l’enfance et la pédagogie en entreprise.
Auteur des ouvrages « L’enfant et la sophrologie » et « L’adolescent et la sophrologie », elle a créé le RNSE, Réseau National des Sophrologues à l’Ecole.
Site internet du RNSE : www.rnse.fr/
Site internet d’Isabelle LEFEVRE-VALLEE : http://sophrologue-ilv.fr/