1 thème, 6 questions, 3 sophrologues
Respirer – Manon Soupault
Le cœur battant de cette rubrique est dans le titre : un thème cher à la philosophie de notre métier est choisi ; 6 questions sont posées en forme de fil conducteur ; 3 sophrologues y répondent + 1 membre du conseil d’administration de la SFS.
Pour introduire le congrès, Marcella a cette fois choisi Respirer
Manon SOUPAULT, sophrologue spécialisée en relation d’aide, spécialiste du rêve, responsable pédagogique à ESSA Formations
À quel(s) moment(s) de ta vie as-tu l’occasion de respirer « complètement » ?
Tous les moments où j’ai suffisamment d’espace et de silence pour contempler, rêver, imaginer et improviser.
Ces moments un peu hors du temps me procurent un sentiment de grande liberté qui me ressource pleinement, ce sont mes respirations. Ainsi dans mon expérience « respirer » résonne beaucoup avec « créativité ».
Quelle est la place de la respiration dans ta pratique, au niveau théorique et au niveau pratique ?
Très importante, je ne conçois pas ma pratique de la Sophrologie sans respirations conscientes et synchroniques mais aussi sans IRTER.
Au démarrage de mes accompagnements, je commence par explorer avec le sophronisant les mécanismes respiratoires, nous échangeons sur la compréhension qu’il en a, puis sur sa façon d’entrer en rapport avec sa respiration et enfin sur son vécu quotidien. Par la suite j’y reviendrai régulièrement et bien sûr à chaque pratique nous respirons ensemble.
Pour l’anecdote, car peut-être que cela vous parlera, à mes débuts de stagiaire sophrologue j’étais tout simplement stressée à l’idée de guider des séances sur la respiration. Je me demandais comment accompagner au mieux le vécu à partir de ce qui m’apparaissait alors comme un thème « simple » ?
Puis à travers la pratique, j’ai intégré progressivement que le vécu de la respiration dans l’instant contient tant de richesse sensorielle et émotionnelle en lui-même, qu’il n’y avait pas besoin d’en rajouter.
Alors cette expérience muette pouvait peut-être, s’exprimer comme si c’était elle qui parlait.
À présent, j’apprécie particulièrement de proposer à vivre, aussi bien en accompagnement qu’auprès des stagiaires sophrologues de l’ESSA de « simples » pratiques de respiration consciente phénoménologique.
Quel(s) lieu(x) du corps tu aurais envie d’associer spontanément à la respiration ? Et quelle couleur associerais-tu à la respiration ?
Le diaphragme… j’aime tellement le sentir quand je respire ! Au-delà de son importance et de sa symbolique, je ressens son perpétuel mouvement comme une infinie source de sécurité et de vie. Pour la couleur se serai un beau vert, celui des bourgeons au printemps car je l’associe à une nouvelle respiration.
Une petite histoire vraie autour de la respiration.
Je ne sais pas si c’est une histoire vraie car c’est un conte de la tradition du Zen néanmoins la leçon est véridique, j’ai donc envie de le vous le raconter :
« Un étudiant vient voir son maitre pour se plaindre. Maitre, ce travail sur la respiration finit vraiment par m’ennuyer. Inspirer, expirer. Sans arrêt. À la longue c’est vraiment lassant. Ne pourrais-je pas travailler sur quelque chose de plus intéressant ? Je comprends, répliqua le maitre, viens avec moi. Il mena son élève au bord d’une rivière et lui demanda de se pencher au bord de l’eau. Puis le saisit par le cou et lui plongea la tête dans l’eau. Au bout de quelques secondes, n’en pouvant plus, l’élève commença à résister mais le maitre le maintint de force. Le pauvre se débattait autant qu’il le pouvait, et le maitre finit par le relâcher, toussotant, crachotant et haletant. Le maitre lui dit : « Alors, est-ce que ta respiration t’ennuie toujours ? »
Ici le maitre veut notamment faire prendre conscience à son élève de sa lassitude projetée. Plutôt que de l’expliquer par des mots, il choisit de lui faire vivre une expérience pédagogique drastique. Étant donné qu’il cherche à le faire sortir de lui-même, à se détacher de sa subjectivité pour entrer en rapport avec la réalité, l’échange implique une certaine violence. Je ne cautionne bien entendu pas cette violence (d’ailleurs de nos jours le maitre aurait un procès), toutefois ce conte me fait sourire par l’évidence de sa démonstration.
Cela m’amène à la réflexion qu’il ne nous viendrait pas à l’idée de dire à une personne qui souffre de difficultés respiratoires, que c’est « ennuyeux » de bien respirer. Si c’est ce que nous vivons, dès lors c’est le rapport que nous entretenons avec notre respiration et le regard que nous portons sur elle, qui sont emprunts d’ennui. Il nous est à tout moment possible de le renouveler et de vivre notre respiration, pour la première fois au présent. Enfin si comme Saint Augustin le pensait « le bonheur c’est d’avoir ce que l’on possède déjà », quel précieuse source de joie que de vivre quotidiennement une respiration qui fonctionne correctement !
Invente un texte de 3 lignes autour de la respiration, bâti comme un poème construit sur le modèle d’un Haïku : 3 vers. 1er vers 5 syllabes / 2e vers 7 syllabes / 3e vers 5 syllabes. Aucune obligation de Haïku c’est juste pour te donner un modèle. L’impératif est 3 « vers ».
« Inspiration, profondeur à l’intérieur
Expiration, réalisation à l’extérieur
Respiration pleine de saveur »