Rencontre avec Isabelle FONTAINE
Les 11 et 12 mai 2019 se tenait le congrès annuel de la Société Française de Sophrologie à Paris.
Isabelle Fontaine, psychologue clinicienne, sophrologue et trésorière de la SFS y a donné une conférence dont le titre était : « Immigration, bouleversements de l’identité, adaptation : un peu beaucoup ou pas du tout ?»
Dans cette allocution d’une grande richesse émotionnelle, Isabelle Fontaine nous révèle avec pudeur et délicatesse une partie de son histoire personnelle.
Isabelle, comment vous est venue l’idée de cette conférence ?
À partir du moment où le thème de l’identité a été choisi par la SFS pour le congrès 2019, il m’est venu spontanément, comme une évidence, de raconter ma propre histoire, celle de ma construction identitaire en tant qu’immigrée portugaise, fille d’immigrés de la première génération.
Mais comment en parler ? Était-ce le lieu, et ce sujet, n’aurait-il pas une charge affective trop importante ? C’est autant de questions que je me suis posée.
Très vite, toutefois, il m’est apparu que ne pas le traiter eut été une trahison.
Le traiter est alors devenu un cadeau. À mesure de la construction du texte de ma conférence et de la sélection des photos et musiques qui l’accompagnent, je me sentais remplie d’une joie profonde. Ce sujet était mon évidence.
Dans cette conférence vous évoquez l’expérience de l’immigration et de l’intégration des populations portugaises arrivées en France il y a une cinquantaine d’années. En quoi est-ce en lien avec l’identité ?
À titre personnel, il s’est agi de donner la parole à la petite fille à l’intérieur de moi pour lui permettre de raconter sa construction identitaire dans le temps, au sein de sa famille, sa région d’adoption après l’incompréhension du départ, par l’intégration de ses deux langues vivantes, à la rencontre de deux cultures et au prisme de sentiments ambivalents, mêlés de honte et d’espoir tout à la fois…
En quoi la sophrologie peut-elle être une aide précieuse dans un contexte d’immigration et d’adaptation ?
La sophrologie est au cœur de l’estime de soi et de la construction identitaire.
Jacques DONNARS, qui fut mon enseignant et auquel nous avons rendu hommage pendant ce congrès, parlait du « Moi ricaneur » pour désigner l’ego, par opposition au moi humble, puissante force d’intégration et de construction de la personnalité.
Bernard JEANROY, qui fut un autre de mes enseignants ô combien important pour la sophrologue que je suis, disait « l’inspiration c’est le contrôle, la maîtrise et l’expiration, c’est la pauvreté, la nudité de l’être intérieur », et cela peut devenir notre posture aussi. C’est là notre trésor, c’est là que réside pour chaque sophrologue la possibilité d’accompagner autrui.
Humblement, on aide aussi par ce qu’on a traversé.
Dans ce qui nous rapproche de notre propre histoire, on entre en empathie dans le respect de notre réalité objective, permettant ainsi à l’Autre d’être là, dans son humanité, dans cet instant où il écoute ce qui résonne en lui, où il en est dans son processus d’adaptation…
Par une forme de résonnance, on vient s’interroger : « qu’est-ce qui se passe en moi dans ce que l’Autre me raconte ? », c’est alors que commence le partage d’expérience, sans que rien ne soit dit parfois, dans une posture d’accueil pleine et entière, d’écoute bienveillante et d’humilité aussi.
Loin de toute forme de protocole préétabli, préconstruit, dans le respect de l’unicité de la personne humaine, le sophrologue invite l’Autre à se dire. Il lui offre la liberté d’accueillir ses émotions au sens ou l’entend une auteure comme Alice MILLER et en cela, il lui permet d’intégrer les différents aspects de son identité.
Isabelle, que retirez-vous de cette expérience ?
Pendant tout le temps de la construction de ce texte, j’ai beaucoup écouté « Mon cœur s’ouvre à ta voix » de Camille Saint-Saëns. Mais, plus que tout, l’accueil et l’écoute qui m’a été réservée par les sophrologues présents lors de ce congrès m’a permis de parler en confiance, de la construction et de la soutenance du moi.
Isabelle Fontaine, je vous remercie pour ce beau témoignage.
La conférence d’Isabelle a été déposée au musée de l’immigration à Paris. Nous vous tiendrons informés de la date à laquelle elle sera consultable. Le texte de cette conférence paraîtra également dans les Actes du Congrès de la SFS publiés à l’Harmatan.